L’injonction au sexe dans le couple, ou la notion de devoir conjugal.

Temps de lecture : 6 minutes

Ma vie sexuelle a démarré de manière assez chaotique. J’ai du faire mon éducation sexuelle toute seule, et c’est vrai que parfois j’ai pu faire des erreurs. Je n’ai quasiment pas été informée par mon entourage, le collège ou le lycée… Donc c’était du feeling total.

Qui dit feeling total dit forcément erreurs ou maladresses. Méconnaissance de quelques sujets. Improvisation. Et ensuite remises en question.

J’ai longtemps pensé, durant ma relation avec un ex malsain, qu’un couple sans sexe était un couple malheureux, qui avait des problèmes… Merci l’ex qui m’a mis cette idée dans la tête de mes 16 à mes 20 ans. J’étais capable de me mettre à angoisser ou penser qu’il me trompait si on passait un long moment sans sexe alors qu’en fait, on n’a pas forcément une libido à toute épreuve en permanence.

Et au jour ou j’ai rencontré mon mari, j’ai enfin compris ce qu’était une vie sexuelle saine. J’ai enfin compris que l’on ne doit rien d’autre à l’autre que le respect.

La notion de devoir conjugal

Faut juste arrêter avec cette aberration. Il n’y a jamais de devoir en sexe. On ne doit rien à personne, jamais. C’est bien un terme inventé par des hommes pour que les hommes puissent forcer à baiser en toute impunité dans le couple. Tu trouves ces propos extrêmes? Continue ta lecture, j’y expose mes sources.

Le devoir conjugal n’existe pas. Tout ce que tu dois à ta moitié, c’est du respect, de l’honnêteté et de la fidélité.

Si ta moitié parle de devoir conjugal parce que tu refuses de coucher, je ne suis personne pour te dire “quitte-le” ou “quitte-la”. Juste: protège-toi, ne te laisse pas faire, et réfléchis.

J’ai eu un ex qui disait “si il n’y a pas de sexe dans un couple, c’est que le couple est mort“. À 16 ans, je ne m’étais jamais énervée contre ça. Je n’étais pas du tout déconstruite. Je n’étais pas forcément d’accord mais en même temps je ne réagissais pas et je ne comprends pas pourquoi! Si mon mari me disait ça mot pour mot aujourd’hui, je pense que l’on partirait au clash.

Ces gens qui font pression

Même si je n’étais pas du tout d’accord avec ce que disait mon ex, il y avait quand même une sorte de pression qui régnait. Il n’était pas forcément du genre à me forcer, la pression était bien plus insidieuse que ça. Il n’était pas très demandeur, la charge mentale du sexe reposait complètement sur moi. Donc si par malheur pendant un moment je ne proposais rien, je pouvais m’en prendre plein la gueule. Et en même temps, quand c’était trop, je m’en prenais plein la gueule aussi.

Il arrivait à me faire culpabiliser que l’on ne baise jamais, mais sans jamais être demandeur. Et je me faisais traiter de nympho si jamais c’était “trop“. C’était vraiment monstrueux quand j’y repense.

J’avais toujours la pression, en permanence. C’est sur moi que tout reposait. Et à 16-17 ans, malheureusement, je n’en voyais pas le problème. J’en étais limite à proposer de coucher alors que je n’en avais pas forcément envie, juste par habitude, ou pour ne pas me faire reprocher que l’on ne faisait rien. C’était très morbide.

À 22 ans, je suis partie. Presque 6 ans après, j’ai appris que cet ex en question était encore seul et n’avait jamais connu aucune autre femme en tout ce temps. Ce n’est pas pour rien, j’ai bien fait de me casser.

Aujourd’hui, j’ai grandi.

Aujourd’hui et depuis maintenant quelques années, je suis dans une relation que je pense saine. Grâce à mon mari, qui est un peu plus âgé que moi, et allié de la cause féministe, j’ai compris que le sexe n’est pas une obligation. C’est plutôt un moment de partage que l’on s’offre, quand nous en avons envie à deux.

Nous pouvons passer des semaines à ne rien faire du tout de sexuel sans que cela ne pose problème, ou nous pouvons avoir des périodes plus intenses. Jamais je ne me suis sentie forcée à quoi que ce soit, et vice versa. Il n’y a pas d’autre règle que notre bien-être. Nous sommes mariés. Pas comme étant un abus de langage, nous sommes mariés aux yeux de la loi.

On laisse tomber la pression. La pression, ça se boit, ça ne se subit pas. Autant celle que l’on peut s’infliger, que celle que les autres nous font subir, parfois même involontairement. On a envie? On fait. Rien de plus simple.

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La vanne de l’année.

On sent qu’il y a une tension, un éventuel problème? On en parle et basta.

Aux yeux de la loi…

Même si un mari n’a pas le droit d’imposer du sexe à son épouse, refuser des rapports sexuel reste quand même un motif valable de divorce.

Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Devoir_conjugal

Je viens à l’instant de découvrir cela. C’est aberrant. Cela doit encore avoir été rédigé par des hommes, dans l’intérêt des hommes, à une époque ou la femme était propriété du père avant d’être la propriété du mari.

Les gens qui mobilisent le refus de relation sexuelles pour casser un couple: j’ai juste la nausée. Le refus peut exister pour des raisons infinies, et ne sont pas toujours la faute du partenaire. Par exemple, imaginons que la femme ait un traumatisme suite à sa grossesse ou son accouchement, qu’elle ait été agressée, qu’elle soit dépressive?

(Évidemment, je parle dans le sens homme vers femme, mais l’inverse est également possible, tout comme dans les couples non hétérosexuels. Je parle seulement en connaissance de cause étant moi même hétéro dans une relation avec un homme, je parle des cas qui me sont familiers, sans exclure personne.)

À la base, cette notion de devoir conjugal est pour assurer une certaine régularité des rapports sexuels entre les époux. Cette notion d’un autre âge remet donc en question le viol entre époux.

Entre 1804 et 1980

« À la différence du droit de l’Ancien Régime, le mariage issu du Code civil de 1804 avait assujetti la sexualité à son emprise. Cette institution avait fait de la sexualité une sorte de service exclusif que les époux se devaient l’un à l’autre. Les relations sexuelles étaient un devoir qui pouvait être exigé par la contrainte. Non seulement pouvait-on faire appel à la police pour obliger le conjoint récalcitrant à regagner le domicile conjugal, mais il était aussi possible d’obtenir ses faveurs par la violence physique.

La jurisprudence avait décidé qu’il ne pouvait pas y avoir de viol entre époux, tant que le mari avait imposé à son épouse une pénétration vaginale»

— Iacub 2008, p. 35-36

Ces notions moyenâgeuses étaient dans le Code Civil de 1804 à 1980. Si proche… Entre ces deux années là, le viol conjugal n’existait pas, le sexe étant considéré à cette période comme un dû. Si tu vas regarder la page Wikipédia parlant du devoir conjugal, tu y verras raconté des viols, qui, grâce à ce fameux Code Civil de mes gonades, n’ont pas été qualifiés de viols malgré les violences. Attention aux âmes sensibles, mon estomac et les glandes lacrymales ont été salement titillés.

À partir des 80′

En 1980 donc, le viol conjugal a commencé à être reconnu, pour être affiné en 2004. Je suis juste estomaquée. J’ai l’impression que 2004, c’était hier. J’étais déjà une ado…

« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire. »


— Article 222-22 ancien du Code pénal18
Enfin, la loi du 9 juillet 201019 a supprimé la référence à une présomption de consentement des époux à l’acte sexuel.

Partant donc de ces articles… de nombreuses femmes ont été violées, “pour faire plaisir” à leur monstre de compagnon, qui en était resté à ce qui se faisait 200 ans en arrière.

Aujourd’hui, la situation juridique concernant le devoir conjugal est donc bancale. Le viol est reconnu, le sexe n’est pas dû. Cependant, le divorce peut être demandé en cas d’absence de rapports.

Merci, putain de patriarcat.

Et toi?
Que penses-tu de tout ça?
Comment tu te positionnes, es-tu du genre à angoisser?
À subir une pression?
Ou au contraire, es-tu d’avis que le sexe est quand même essentiel?

Discutons de tout cela ensemble dans les commentaires, pour pourquoi pas, continuer cet article à plusieurs !
Réponses garanties sans jugement, uniquement de la bienveillance et du partage!

Sur le même sujet…
https://monsieurmadamex.com/sexe-partage/

2 réflexions sur “L’injonction au sexe dans le couple, ou la notion de devoir conjugal.”

  1. Je suis entièrement d accord, les rapports doivent rester libres et non imposés…
    Comme la fidélité.
    Les femmes, les hommes ont des besoins, différents entre individus, comment peut on emprisonner un partenaire dans un couple asexué par la fidélité tout en s exonérant.

    1. On est d’accord. Chaque couple est différent et chaque personne est différente. Chaque couple décide de ce qu’ils peuvent faire ou non. 😉

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